Il y a une vie au-delà du cépage ; pinot gris, merlot et syrah

Un étude récente de Wine Intelligence (tout un programme!) s’attache à décrire les préférences des Britanniques en matière de cépages.

On y apprend que le pinot gris a le vent en poupe – ou plutôt, le pinot grigio, puisque ses principaux fournisseurs, Australie, Nouvelle-Zélande, Italie, le désignent ainsi (je ne suis pas sûr que le Grau Burgunder ait autant de succès).

Le pinot grigio, donc, précède le sauvignon et le chardonnay au top 3 des cépages blancs. C’est aussi celui progresse le plus.

Côté rouge, le merlot occupe la première place devant la syrah. Le cépage rouge qui progresse le plus, par contre, c’est le tempranillo.

pinot gris
pinot gris

Ce qui frappe, à la lecture du « camembert » ci-dessus, c’est la masse des « autres cépages », qui représentent quand même 55% du total. Est-ce à dire que les Britanniques ne s’y intéressent pas? Ou qu’ils ne les identifient pas? Combien savent que leur bon vieux Faustino (I, III ou V) est un tempranillo? Qu’on fait aussi du pinot noir à Pommard?

Et où sont le Riesling, l’Alvarinho, le Grüner Veltliner, le Gewürztraminer, le Malbec, le Tannat, le Grenache? Et je ne parle pas bien sûr des assemblages – on trouve quand même de grands vins parmi les vins d’assemblages. A commencer par Bordeaux et par le Rhône Sud… et même dans le Nouveau Monde. Les Australiens n’ont-ils pas inventé le Cabernet-Shiraz?

Même la nouvelle catégorie du Vin de France, qui remplace le vin de table, et à laquelle on a donné le droit de mentionner le cépage sur l’étiquette, se met aux blends (surprenants, parfois): dans la liste des 73 Vin de France primés par le jury d’experts réuni par l’Anivin de France, cette année, on note des merlot-cabernet sauvignon, bien sûr, mais aussi des colombard-sauvignon, des gamay-syrah, des gamay-cabernet franc… et du cabernet-syrah.

Mais le plus important est sans doute ailleurs: dans le fait que le cépage, qu’on le veuille ou non, est devenu la boussole de bons nombre de consommateurs. Je pense qu’il y a trente ans, les sujets de sa Gracieuse Majesté demandaient plutôt du Sancerre ou du Chablis que du Sauvignon ou du Chardonnay.

Est-ce à dire que les appellations ont failli? Failli dans leur mission qui est de veiller à une certaine homogénéité de la production?  Failli dans la communication de cette différence, de cette prétendue « typicité » auprès du  grand public?

Ou est-ce à dire que les gros groupes de production, avec leurs marques puissantes, ont totalement pris l’ascendant sur elles? Cela mériterait un autre billet, que dis-je, un rapport; que dis-je, un livre.

Quoi qu’il en soit, pour moi, se repérer au seul cépage, c’est  un peucomme choisir une voiture en fonction de la cylindrée. Je ne dis pas que cela n’a aucune importance. Je conçois même que ça puisse être une aide pour ceux qui n’y connaissent pas grand chose, voir un critère fondamental pour ceux qui exigent une constance dans le goût. Mais Dieu que c’est réducteur! Et comme je plains les gens qui veulent retrouver dans le vin toujours le même goût! Peut-être qu’ils devraient se mettre à la bière. Et encore, à la bière industrielle.

Je crois que nous les critiques, de quelque bord que nous venions, blogueurs, journalistes, sommeliers, devrions plus mettre l’accent sur la différence entre une conception industrielle du vin – qui peut avoir son public, ce n’est pas un jugement de valeur – et le vin d’auteur, le vin de terroir, le vrai. Car c’est celui-là qui justifie notre métier.

Certes, ce vin-là est peut être moins facile d’abord, moins formaté, il ne plaît pas forcément à tout le monde. Il faut l’expliquer, car il ne se résume pas par une petite mention sur l’étiquette, un cépage, ou même une AOC.

Mais expliquer, c’est notre raison d’être.

A trop vouloir simplifier le message, à trop mâcher le travail de réflexion du consommateur, à trop lui faciliter la vie, on en fera un jour un assisté total, un légume. J’espère ne pas voir ce moment là.

Et à ceux qui disent qu’Altenberg de Bergbietenn’est pas un nom très vendeur,  à ceux qui déjà apposent sur l’étiquette principale de leurs vins les noms des arômes que les consommateurs sont censés reconnaître dans le vin, je réponds que tout ce qui est bon dans la vie demande un minimum d’effort.